Messe Chrismale

Mardi 3 avril 2012 à Orchies

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Dans le rite catholique latin, la messe chrismale n'appartient pas, au sens strict, au triduum pascal. Si elle a lieu le plus souvent le Jeudi Saint au matin, elle peut être transférée à un autre jour, pourvu qu'elle soit proche de Pâques.

 

Pour faciliter la participation des fidèles et des prêtres, notre diocèse a choisi un soir de l'un de ces jours saints :

 

MESSE CHRISMALE

Mardi 3 avril 2012 à 18h30

à Orchies

Répétition à partir de 17 heures (en fonction des possibilités), pour les membres du choeur diocésain, et tous les choristes du diocèse qui souhaitent prêter leur voix à cette célébration.

 

Durant la messe chrismale, l'évêque consacre le saint-chrème et bénit les autres huiles saintes.

 

Dans les Eglises orientales, cette liturgie chrismale se déroule, dans la plupart des rites, d'une manière plus particulière encore. Il en est ainsi dans la liturgie de l'Eglise Apostolique Arménienne, cette consécration se fait tous les sept ans, uniquement au siège du patriarcat à Etchmiadzin, par le patriarche catholicos lui-même au cours d'une cérémonie très riche de symboles et de signification spirituelle.

 

 

 

 "Cette liturgie tournée vers la vie interne, vers le coeur de l'Eglise, rappelle que le coeur de l'Eglise est traversé par le don que le Christ fait de son Eglise au monde ... Passons le seuil et partons ! "

Au-delà de ces rites, au travers de ces bénédictions, une homélie de Mgr Albert Rouet, archevêque de Poitiers, nous fait prendre conscience que nous sommes consacrés, non pour nous replier sur nos problèmes mais pour nous ouvrir au monde et lui donner la vie.

 

 

Au coeur de l'Eglise, au coeur de la vie

"On est au-delà des méthodes, des moyens, ou des ajustements nécessaires, on est devant un problème qui touche l'avenir de notre société dans lequel l'avenir de notre Eglise est compris.

Je trouve grave pour ma part, je vous le dis peut-être avec un brin de souffrance, que tant de travaux de synodes, tant de soucis, de peines, de générosité même, aient replié l'acteur apostolique sur des agencements paroissiaux et des fonctionnements structurels. Certes, il les faut, je n'ai pas envie d'en médire.

Mais l'Eglise n'existe pas d'abord pour eux ! Ne confondons pas les moyens avec la fin. En commençant la messe, j'ai dit en votre nom une oraison, mais écoutons-nous les oraisons ? Je vous en relis la finale : "Puisque tu nous a consacrés en Lui (le Christ), fais que nous soyons pour le monde les témoins de l'Evangile de Salut". D'un seul coup, au cœur d'une messe chrismale qui concerne la vie chrétienne et les ministères ordonnés tels que le Christ les a voulus en envoyant ses apôtres, l'ouverture du Christ, l'Envoyé du Père, nous contraint à regarder au-delà de nos murs.

Par un paradoxe étonnant, nous sommes en quelque sorte à front renversé ! Nous allons bénir et consacrer les Saintes Huiles, actes liés à la vie de l'Eglise dont je vais maintenant vous montrer la dimension missionnaire. En même temps, notre Eglise consacre beaucoup de temps à des synodes célébrés en principe pour relancer la mission, mais qui s'achèvent comme une recherche identitaire parce que tournés vers la vie intérieure aux communautés.

 

 

La première bénédiction vient sur l'huile des malades.

 

Nous sommes une société d'une technicité invraisemblable, extraordinaire pour diagnostiquer les maladies, les prévenir parfois et les guérir par des moyens dont on avait pas même l'idée il y a vingt ans. Nous savons soigner les gens et, jour après jour, nous découvrons des prouesses que le corps médical est capable d'accomplir et de perfectionner, ce progrès nous rend en même temps de plus en plus exigeants, injustement exigeants au point que, si un médecin qui n'est jamais qu'un artiste, point infaillible se trompe un tant soit peu, il risque une procédure dont on attend évidemment beaucoup d'argent.

Nous savons soigner, savons nous guérir ? Je me souviens d'une petite vieille que j'allais voir à l'hôpital qui m'a dit : "Mon Père, je vais sortir demain, qui viendra me voir après ?" Nous savons soigner parce que nous avons une technique, des médicaments, des instruments, des opérations extraordinairement efficaces. Mais la guérison d'un malade suppose qu'il soit réinséré dans le corps social. Soigner, nous savons, guérir dépend non plus des médecins, mais de la manière dont un malade va être réintroduit dans le corps social qui est le sien.

Pouvons-nous dire aujourd'hui que le Sida n'isole plus à cause de la peur ? Que tel malade atteint d'un cancer dont tout le monde sait qu'il ne s'agit pas d'une maladie transmissible, ne connaît pas d'isolement, par la criante ancestrale des graves affecitons. Ainsi cette femme : "Le jour où j'ai dit à mon mari que j'avais un cancer, il est parti !" Et ces personnes âgées, dont on s'occupe admirablement, mais qui meurent à petit feu, seules dans des maisons spécialisées. Et c'est en premier l'échange qui meurt. La plus grande plaie sociale n'est pas l'insécurité, mais certainement la solitude.

Voilà que l'huile qui pénètre, qui entre dans le corps de quelqu'un, nous allons la bénir. Rappelez-vous l'épître de Saint Jacques : "Si quelqu'un est malade, qu'il appelle les anciens de l'Eglise" (5, 14). Ce que demande cette prière pour les malades, c'est que la communauté vienne entourer un membre souffrant de son corps. Au départ du sacrement qui oint des malades, c'est précisément pour ne jamais laisser seul quelqu'un qui non seulement affronte la mort, mais risque d'affronter la mort sociale avec la solitude, le désespoir. La souffrance isole. il reste à franchir cette barrière pour maintenir l'humanité de cette situation dangereuse.

Bénir cette huile affirme publiquement que nous ne laisserons jamais tomber l'un des nôtres. Que si l'âge vient, que si la maladie tombe, que si l'handicap échoit, cette personne jamais ne sera seule, car elle est un frère et elle est une sœur.

Pour cette célébration, le "presbytérium" se rassemble : cet événement rappelle à la communauté sa responsabilité commune de ne jamais abandonner, quel que soit son état, l'un des siens. C'est redire au prêtre qu'il a charge non pas d'abord de commander, mais d'engendrer de la fraternité. Il redit à chacun des membres de sa communauté que si un membre est oublié, la communauté est blessée ; que si quelqu'un est abandonné, la communauté ne répond pas à sa mission. L'onction des malades affirme, contre la solitude et la souffrance, contre l'isolement et la rupture la radicale fraternité du corps que nous formons. L'évêque qui bénit cette huile nous envoie comme ceux qui renversent les murs de la solitude.  

 

 

Ensuite nous allons bénir l'huile des catéchumènes.

 

La prière nous introduit dans cette liturgie du seuil à laquelle les diacres sont tellement attachés. Belle liturgie : quelqu'un frappe à votre porte, quelqu'un se présente devant vous. Il a pu venir de lui-même, ou vous l'avez hêlé, mais cette personne n'avancera que si vous lui dites humblement d'entrer. Le seuil est même un endroit que les anciens trouvaient dangereux. Cet endroit très particulier possède une marche, une pierre. Il y a une marque, on change de lieu. On peut toujours rater son entrée ou sa sortie ! C'est pourquoi il est tellement important de soutenir ce passage...

Voilà que nous allons bénir une huile qui est destinée à ceux qui passent le seuil, à ceux qui viennent nous rejoindre. Certains parmi vous ont fait ce passage. Ils sont entrés et on été accueillis.

La prière pour bénir cette huile rappelle la lutte, le combat, l'effort, parce qu'on ne devient pas chrétiens comme on s'inscrit à une association. On devient chrétien par conversion. Car l'appel entendu, l'amour pressenti bouleversent la vie. Combat toujours actuel, et combat public comme la liturgie.

Aujourd'hui, la lutte nous attend, nous qui bénissons l'huile des catéchumènes. Curieusement, dans notre pays (on peut pas dire partout pareil on en demande pardon à ceux qui viennent de pays où les chrétiens sont moins libres), nous sommes libres de parler de Dieu. Mais honnêtement, frères, ce Dieu dont il est abondamment questions, on en a fait n'importe quoi !

Vous ne serez jamais ennuyés, vous ne serez jamais dénoncés, vous ne serez jamais incarcérés pour une parole touchant Dieu. La liberté d'opinion ne garantit ni de la banalisation ni de la satire cruelle. Si bien qu'on attend de nous, une folklorique tgranquillité. Comme disait Napoléon III : "Je préfère payer un prêtre plutôt que deux gendarmes". Il en attendait bien sûr le même résultat !

Aujourd'hui, dans notre pays, le discours sur Dieu n'est pas un discours dangereux. Ce n'est donc pas là que se lèvera une lutte. Il reste à soutenir un effort intellectuel d'exactitude, une lutte pour le respect (de respect, je dis bien) des opinions des autres. Cette déférence première envers les idées émises repose sur une mutuelle confiance dans la recherche de la vérité.

Or cette politesse intellectuelle, ce crédit d'estime s'effirtent. Veillons à leur maintien, aussi dans une église où la liberté de parole est en train de geler. Ce n'est pas un signe de grandeur. Respect de l'opinion des autres mais surtout respect de l'homme lui-même. Aujourd'hui, l'endroit de la lutte porte sur l'homme, cette seule image de Dieu que nous ayons.

La précarité continue, l'écart entre ceux qui ont à peine de quoi vivre et ceux qui regorgent de biens continue. Savez-vous que l'extrême de la fourchette des salaires est de 1 à 77 ? Chiffre qui rappelle quelque chose à une oreille évangélique.... Le combat que nous avons à mener aujourd'hui est pour que l'homme soit homme. On l'abandonne à lui-même, on en fait un yo-yo, selon la baisse ou l'augmentation de la croissance. Jamais de telles variations au nom de la croissance n'ont révélé combien l'homme n'a été aussi méprisé !

On nous attend aujourd'hui comme chrétiens sur ces questions. Au nom du Christ, que nous soyons les défenseurs de la justice et de la dignité de chacun de nos frères humains. Le seuil de l'humanité reste à franchir chaque jour.

 

 

Enfin, nous allons consacrer le Saint Chrême.

  

Chaque prêtre, comme pour une ordination, tirant de lui-même ce qu'il a reçu, impose avec moi les mains pour que son être même, passe dans l'huile qui fera l'onction. Il n'y a pas d'huile sainte qui signifie davantage le seuil. Le Saint Chrême, nous l'utilisons quand quelqu'un passe le seuil du baptême devenant enfant de Dieu.

Le Saint Chrême, nous le recevons comme quelqu'un d'enfant qu'il est, même s'il est adulte extérieurement, devient adulte dans la foi, envoyé par le Christ à la confirmation. Le Saint Chrême, nous le recevons dans nos mains et, consacrés par lui, nous devenons serviteurs du peuple de Dieu comme prêtres.

Il a été versé sur ma tête pour faire de moi un évêque de l'Eglise catholique, membre du collège de ceux que le Christ a envoyés.

Les seuils : devenir chrétien, confirmé, prêtre et évêque. On pourrait, bien entendu tenir le Saint Chrême la consécration de la séparation, c'est à dire faire de l'onction reçue un titre de reconnaissance sociale, un titre de pouvoir avec l'argent qui rôde toujours en ces zones. C'est curieux comme le sacré a besoin de fonds et en tous les temps, on rencontre cettre liaison. Il nous suffit d'avoir de quoi vivre. Nous manquons d'un peu d'argent mais tellement d'autres en manquent plus que nous.

Comme évêque, comme prêtres, comme chrétiens, au moment où le Christ nous attache à lui, parce qu'il est l'Envoyé du Père, nous lui ressemblons le plus car il nous façonne selon son envoi. Il nous tire de nous mêmes. Au moment où le Christ nous fait adhérer à lui, il nous envoie, sans rien, sans argent, sans manteau de rechange, les mains nues et le cœur brûlant.

Le Saint Chrême nous consacre pour nous donner. A l'inverse de beaucoup de religions où la consécration constitue une mise à part pour monter sur un piédestal social, voilà que le Saint Chrême nous enfouit comme le sel ou le levain. Une semence en terre. Comme une huile qui pénètre au cœur de l'être, comme un homme jeté au cœur du monde. Mis à part, consacrés pour l'évangile et pour rien d'autre. Pas pour soi, pas pour ses idées. Il nous faut rejoindre ceux dont la vie n'a plus de sens, et ceux dont la vie a un autre sens pour que nous travaillions avec eux.

 

 

Cette liturgie paraissait tournée vers la vie interne de l'Eglise. Et elle l'est, à condition de bien comprendre l'Esprit qui anime la vie de l'Eglise. Cette liturgie tournée vers la vie interne, vers le cœur de l'Eglise, rappelle que le cœur de l'Eglise est traversé par le don que le Christ fait de son Eglise au monde. Tel est l'endroit où le Christ fait don des chrétiens aux autres hommes.

Au moment où nous prenons conscience que nous sommes consacrés, marqués par l'onction du Christ, semblables à lui, nous découvrons que nous n'avons pas d'autre raison, chacun d'entre nous baptisés, confirmés, prêtres et évêques, nous n'avons pas d'autre raison, comme le Christ, que de donner notre vie. Passons le seuil et partons.

 

Mgr Albert Rouet

Messe chrismale

25 mars 2002

Article publié par Yannick Lemaire • Publié le Lundi 10 mars 2008 • 9066 visites

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